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L’Union des vrais démocrates (Novembre 1848)

Point d’alliance avec l’avant-garde de la réaction, avec les renégats qui ont ouvert l’écluse aux flots contre-révolutionnaires.1 Disons avec le psalmiste : Discerne causam meam de gente non sancta: ab homine ini-quo et doloso eripe me ! Séparons notre cause de celle des transfuges, et arrachons-nous de l’étreinte du méchant et du fourbe qui a trahi la République !

Il ne doit rien y avoir de commun entre les socialistes fidèles, les défenseurs éprouvés du peuple, et les sup­pôts de ce gouvernement provisoire, de cette commis­sion exécutive, opprobre et fléau de la révolution. Ce ne serait plus de l’union mais de la confusion.

Rien de funeste comme les alliés douteux, amis aujourd’hui, ennemis demain, traîtres toujours. Reje­tons ce mélange adultère, cet alliage impur. Point de Saxons dans nos rangs pour faire feu sur nous en plein champ de bataille.

Arrière ce drapeau équivoque qu’on s’efforce de planter dans notre camp ! Le drapeau du gouverne­ment provisoire est le drapeau des déserteurs : ce n’est pas le nôtre. Ne craignons pas de perdre encore les forces qui se groupent encore derrière cette ban­nière souillée. L’un après l’autre, les derniers soldats ouvriront leurs yeux et viendront se ranger derrière les seules couleurs républicaines : les couleurs socia­listes. Laissons une poignée de roués s’épuiser en intrigues et manœuvres. Leur ridicule agitation va tomber tout à l’heure sous les huées et les malédic­tions des patriotes désabusés. Ne soyons point dupe de cet hypocrite appel à l’union que l’on fait réson­ner à nos oreilles. C’est la manœuvre favorite des escamoteurs. Ce cri perfide, sorti de leur bouche le lendemain de Février, endormait les républicains et assurait le tour de gibecière du provisoire.

Les gens de La Réforme n’ont donné qu’un bon exemple : l’ostracisme inexorable prononcé par eux contre l’opposition dynastique. Ledru-Rollin disait à Thiers : « Arrière les hommes des 45 c et du Rappel, le vainqueur du 15 mai, le mitrailleur de juin ! » Ce n’est pas le sceptre de la présidence que le peuple lui doit; c’est un acte d’accusation. À l’union de toutes les victimes contre tous les bourreaux!

Que nous importent vos discours, vos manifestes, vos professions de foi ! Que nous importent les ins­criptions socialistes de vos enseignes repeintes, vos serments, vos protestations ! Nous ne croyons plus à rien car vous avez tout foulé aux pieds. Que faisiez-vous de ces beaux principes au 17 mars, au 16 avril, au 15 mai, au 23 juin? Vous étiez gouvernement alors ! Vous étiez même dictature ! C’était l’heure de réaliser vos programmes de Dijon et de Lille. Que sont-ils devenus ? Des lois et des mesures contre-révolutionnaires ! Et maintenant que la réaction, vic­torieuse par votre concours, vous a cassés aux gages et chassés à coup de pied comme des laquais dont elle n’a plus que faire, vite vous ramassez au coin de la borne les loques de vos programmes, vous les défripez, vous les essuyez, et vous recommencez à la ronde les parades des banquets et repromenez en cérémonie les vieux oripeaux, la vieille défroque, les harangues retapées à neuf et coiffées à la socialiste !

  1. Source: MF, 147-148.