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Discours du Prado (25 Février 1848)

[…] La France n’est pas républicaine, la révolution qui vient de s’accomplir est une surprise heureuse, rien de plus.1 Si nous voulons aujourd’hui porter au pouvoir des noms compromis aux yeux de la bour­geoisie par des condamnations politiques, la province aura peur ; elle se souviendra de la Terreur et de la Convention et rappellera peut-être le roi fugitif. La garde nationale elle-même n’a été qu’une complice involontaire ; elle est composée de boutiquiers peu­reux qui demain pourraient bien défaire ce qu’ils ont laissé faire aux cris de Vive la République!… Aban­donnez les hommes de l’Hôtel de Ville à leur impuis­sance : leur faiblesse est le signe certain de leur chute. Ils ont entre leurs mains un pouvoir éphémère ; nous, nous avons le peuple et les clubs où nous l’organise­rons révolutionnairement, comme jadis les Jacobins l’organisèrent. Sachons attendre quelques jours encore, et la révolution nous appartiendra ! Si nous nous emparons du pouvoir par un audacieux coup de main, comme des voleurs au milieu des ténèbres de la nuit, qui nous répondra de la durée de notre puissance ? Au-dessous de nous, n’y aurait-il pas des hommes énergiques et ambitieux qui brûleront de nous remplacer par de semblables moyens ? Ce qu’il nous faut à nous, c’est le peuple immense, les faubourgs insurgés, un nouveau 10 août. Nous aurons au moins le prestige de la force révolutionnaire.

  1. Source: MF, 134-135.