Critical assessments

Victor Hugo

The Memoirs of Victor Hugo, trans. John W. Harding. London: William Heinemann, 1899, 291-292.

Blanqui got so [thin] that he no longer wore a shirt. For twelve years he had worn the same clothes – his prison clothes – rags, which he displayed with sombre pride at his club. He renewed only his boots and his gloves, which were always black.

At Vincennes during his eight months of captivity for the affair of the 15th of May, he lived only upon bread and raw potatoes, refusing all other food. His mother alone occasionally succeeded in inducing him to take a little beef-tea.

With this, frequent ablutions, cleanliness mingled with cynicism, small hands and feet, never a shirt, gloves always.

There was in this man an aristocrat crushed and trampled upon by a demagogue.

Great ability, no hypocrisy; the same in private as in public. Harsh, stern, serious, never laughing, receiving respect with irony, admiration with sarcasm, love with disdain, and inspiring extraordinary devotion.

There was in Blanqui nothing of the people, everything of the populace.

With this, a man of letters, almost erudite. At certain moments he was no longer a man, but a sort of lugubrious apparition in which all degrees of hatred born of all degrees of misery seemed to be incarnated.

Choses vues. Paris: G. Charpentier, 1888, 252-253.

Le Quinze Mai

L’invasion du 15 mai fut un étrange spectacle. Qu’on se figure la halle mêlée au sénat. Des flots d’hommes déguenillés descendant ou plutôt ruisselant le long des piliers des tribunes basses et même des tribunes hautes jusque dans la sale, des milliers de drapeaux agités de toutes parts, les femmes effrayées et levant les mains, les émeutiers juchés sur les pupitres des journalistes, les couloirs encombrés, partout des têtes, des épaules, des faces hurlantes, des bras tendus, des poings fermés, personne ne parlant, tout le monde criant, les représentants immobiles ; cela dura trois heures.

Le bureau du président, l’estrade du secrétaire, avaient disparu et n’étaient plus qu’un monceau d’hommes. Des hommes étaient assis sur le dossier du président, à cheval sur les griffons de cuivre de son fauteuil, debout sur la table des secrétaires, debout sur les consoles des sténographes, debout sur les rampes du double escalier, debout sur le velours de la tribune ; la plupart pieds nus ; en revanche les têtes couvertes.

L’un d’eux prit et mit dans sa poche une des deux petites horloges qui sont des deux cotes de la tribune pour l’usage des rédacteurs du Moniteur.

Brouhaha effrayant. La poussière comme de la fumée, le vacarme comme le tonnerre ; il fallait une demi-heure pour faire entendre une demi-phrase.

Blanqui pale et froid, au milieu de tout cela.

Aussi ce qu’on voulait dire on l’écrivait, et on hissait à chaque instant, au-dessus des têtes, des écriteaux au bout d’une pique.

Les émeutiers des tribunes frappaient de la hampe de leurs drapeaux sur les chapeaux des femmes ; la curiosité luttant avec l’effroi, les femmes tinrent bon pendant trois quarts d’heure, mais elles finirent par s’enfuir et elles disparurent toutes. Une seule resta quelque temps, jolie, parée, avec un chapeau rose, épouvantée et prête à se jeter dans la salle pour échapper à la foule qui l’étouffait.

Un représentant, M. Duchaffaut, fut pris à la gorge et menacé d’un poignard. Plusieurs autres furent maltraités.

Un chef des émeutiers, qui n’était pas du peuple, homme à face sinistre, avec des yeux injectés de sang et un nez qui ressemblait à un bec d’oiseau de proie, criait : Demain nous dresserons dans Paris autant de guillotines que nous y avons dressé d’arbres de la liberté.