Léon de Seilhac, Le Monde socialiste. Paris: Victor Lecoffre, 1904.
LES BLANQUISTES – Le Comité révolutionnaire central
Le Comité révolutionnaire centrale qui est l’âme de toute l’organisation blanquiste, est formé par la délégation des Comités de Paris et de la banlieue, à raison d’un délégué pour dix membres et fraction de dix membres. Les Comités départementaux peuvent s’y faire représenter par un délégué. Il se réunit tous les mardis. Son Bureau se compose d’un secrétaire, d’un secrétaire-adjoint, d’un trésorier et d’un trésorier-adjoint, élus en janvier pour un an. Le secrétaire, au moins, doit être pris parmi les membres de la Commission administrative.
La Commission administrative est l’agent d’exécution du Comité révolutionnaire central. Elle, a seule qualité pour prendre, en son nom et sous sa responsabilité, toute décision urgente, dans l’intervalle des séances. Elle prépare les ordres du jour et le travail du Comité et le convoque extraordinairement, si cela est nécessaire. Cette Commission est nommée pour un an, et en font partie de droit les députés et conseillers municipaux de Paris ainsi que les députés de province.
La cotisation des Comités adhérents est, au minimum, de 0 fr. 25 par semaine, pour les Comités de Paris et de la banlieue, et de 0 fr. 25 par mois, pour les Comités des départements.
Le Comité reconnaît la lutte des classes comme la caractéristique du socialisme actuel et la règle directrice de son action. Il se déclare athée (matérialiste et transformiste), républicain, communiste, internationaliste, et surtout révolutionnaire. C’est le vrai parti de la Révolution, le glorificateur de la Commune, l’avant-garde de l’armée ouvrière, menée à l’assaut de la société capitaliste et à la conquête du pouvoir politique.
« C’est aux premiers rangs de cette avant-garde militante, dit la Déclaration du Comité révolutionnaire central, que nous voulons combattre et désarmer la réaction pour armer la Révolution de cet instrument tout-puissant — le pouvoir — qui, aux mains de l’ennemi, fait notre misère et notre faiblesse, et qui demain fera notre force et notre délivrance. »
Ainsi les blanquistes n’ont qu’un seul but : la Révolution; un seul souci : la politique. Que l’armée ouvrière se groupe au moyen des syndicats, et ils l’entraîneront à leur suite, eux les combattants de la première heure.
La marque distinctive du blanquisme est la franchise.
« Parti d’action, dit le programme, le Comité révolutionnaire central adopte tous les modes d’activité : économique, politique et social, électoral et révolutionnaire. Il ne s’interdit d’autres actes que ceux qui, même seulement en apparence, contredisant au programme et à l’idée socialiste ou à l’honneur, ravaleraient l’action socialiste au niveau des combinaisons politiciennes des partis bourgeois, la discréditeraient et la déshonoreraient. Il n’est pas deux morales, l’une privée et l’autre publique, comme l’ont dit ou pratiqué tous les politiciens. La loyauté est le devoir rigoureux, la seule vraie et habile tactique du socialisme. »
Un des principaux articles du programme blanquiste est la législation directe :
« Si, dans les sections rassemblées, une question posée, des mois auparavant, par l’initiative populaire, pour qu’elle ait pu être suffisamment discutée par la presse, par les réunions publiques et de sections, si dans ces sections, au même moment, cette question, cette loi est soumise à la délibération des citoyens assemblés, croit-on qu’elle ne sera pas mieux, plus unanimement résolue dans l’intérêt du peuple que par ses prétendus délégués d’un parlement quelconque?
Pour choisir ses délégués, au parlement, pour élire ses députés, le peuple s’assemble en réunions électorales et entend les candidats. Mais, pour ce choix d’un homme, pour distinguer ce qu’il y a de sincérité et de vérité dans sa parole, que de difficultés! et, au jour du vote, que ce vote est peu libre! Ce sont les influences capitalistes et gouvernementales, plus que la volonté populaire, qui, dans la plupart des circonscriptions, nomment des députés, qui font ensuite les lois pour l’intérêt capitaliste et contre le peuple. Tout Gouvernement représentatif, tout parlement, toute délégation politique du suffrage universel est infidèle et réactionnaire.
C’est ainsi que, pour prendre, comme exemple, une question entre toutes : le parlement prend, contre la nation et contre les ouvriers qu’elles emploient, la défense des Compagnies de mines et de chemins de fer, comme de tout autre privilège capitaliste, et. repousse les plus faibles améliorations légales.
Admettons, au contraire, que cette question soit directement proposée au peuple assemblé au même moment, sur toute la surface du pays, dans ses sections : « Les mines, les chemins de fer, au lieu de rester la propriété de Compagnies, qui ne les exploitent que pour leur profit, sans tenir compte de l’intérêt public et de l’intérêt des ouvriers employés, ces mines, ces chemins de fer ne devraient-ils pas devenir propriété de la nation,, pour être gérés au mieux des intérêts de la nation et pour que les ouvriers qui y sont employés y trouvent des conditions de travail et d’existence normales?
Cette question, discutée d’abord dans la presse et par les réunions, étant ainsi posée, croit-on qu’il y aurait une seule section, — à moins qu’elle ne fût composée exclusivement d’administrateurs et d’actionnaires des Compagnies, — qui ne répondît affirmativement? — et de cette délibération populaire sortirait aussitôt la loi d’appropriation nationale des mines et chemins de fer.
Et ainsi du reste.
L’initiative populaire proposerait les lois, qu’un Conseil de délégués, non plus législateurs mais administrateurs et rédacteurs, rédigerait, et qu’après un intervalle suffisant de discussions de presse, de réunions et de sections, le peuple, assemblé dans ses sections, accepterait ou rejetterait.
Rittinghausen et Considérant ont discuté magistralement les conditions et formes de cette législation et du gouvernement direct, que la Suisse est en train de réaliser, mais qui conviendraient bien mieux encore à notre nation si passionnément démocratique.
Revenons à la révision, à cette révision socialiste et directe par le peuple, qui serait la meilleure et vraie introduction à la législation directe et émancipatrice du peuple, qui faciliterait tant et, en tout cas, consacrerait, assurerait, contre tout hasard et toute attaque, l’émancipation du prolétariat et les conquêtes socialistes de la nation.
La révision par le peuple, n’est pas plus inscrite que celle par une constituante, dans la constitution de 1875; elle n’est pas davantage interdite par cette constitution, elle n’est pas inconstitutionnelle, et c’est elle que nous devons réclamer pour une participation directe et croissante du peuple aux affaires publiques, au gouvernement du pays.
Si notre propagande aboutit, si la nation réclame, exige et fait cette révision directe par le peuple, convoqué dans ses sections, quelles n’en seront pas les conséquences?
Il y a des questions constitutionnelles, telles que celles de la Présidence et du Sénat, qui sont déjà posées par l’initiative populaire, et dont la solution, devant le peuple, est aussi peu douteuse, qu’elle serait incertaine devant le Congrès des deux Chambres ou devant une Constituante.
Quelle section populaire hésiterait à voter la suppression de la royauté maintenue dans la République, sous le nom de Présidence, et, de ce frein, à tout progrès qui se nomme Sénat.
Par cette révision directe par le peuple, révision continue, tant qu’il resterait dans les lois constitutionnelles une trace d’institutions monarchistes, s’établirait une constitution enfin républicaine.
Par là, commencerait l’organisation de la législation directe et du gouvernement direct du peuple, éliminant les éléments réactionnaires et capitalistes de ses lois et institutions, pour y substituer un État démocratique, où il serait libre politiquement et socialement. » (79-82).