Critical assessments

Heinrich Heine

De la France [1856]. Paris, Calmann Lévy, 1884.

Je me trouvais moi-même par hasard, le même soir, à l’assemblée des Amis du Peuple, et j’ai lieu de croire, d’après beaucoup de circonstances, qu’ils pensaient plutôt à la défense qu’à l’attaque. Il s’y trouvait plus de quinze cents hommes serrés dans une salle étroite, qui avait l’air d’un théâtre. Le citoyen Blanqui, fils d’un conventionnel, fit un long discours plein de moquerie contre la bourgeoisie, ces boutiquiers qui avaient été choisir pour roi Louis-Philippe, la boutique incarnée, qu’ils choisirent dans leur propre intérêt, non dans celui du peuple, qui n’était pas complice d’une si indigne usurpation. Ce fut un discours plein de sève, de droiture et de colère. Malgré la sévérité républicaine, la vieille galanterie ne s’est pas démentie, et l’on avait, avec une attention toute française, assigné aux dames (aux citoyennes) les meilleures places auprès de la tribune de l’orateur. La réunion avait l’odeur d’un vieil exemplaire relu, gras et usé du Moniteur de 1793. Elle ne se composait guère que de très-jeunes hommes et de très-âgés. Dans la première révolution, l’enthousiasme de la liberté avait surtout saisi les hommes d’un Age moyen, chez lesquels la haine encore juvénile contre l’hypocrisie des prêtres et contre l’insolence de la noblesse s’unissait à des idées mûres, fermes et arrêtées. Les plus jeunes gens et les vieillards étaient les partisans du régime décrépit: les hommes à la chevelure argentée, par habitude, et la jeunesse dorée par mécontentement contre la simplicité bourgeoise des moeurs républicaines. C’est l’inverse aujourd’hui : les enthousiastes exclusifs de la liberté sont tout jeunes ou tout vieux. Ces derniers connaissent encore par leur propre expérience les infamies de l’ancien régime, et ils pensent avec ravissement à ce temps de la première révolution où ils furent eux-mêmes si forts et si grands. Les autres, les jeunes gens, aiment cette époque parce qu’ils sont avides d’abnégation et d’héroïsme, qu’ils soupirent après les grandes actions et méprisent la timidité mesquine et l’égoïsme mercantile des gouvernants d’aujourd’hui. Les hommes d’un âge intermédiaire sont, pour la plupart, fatigués du métier d’opposition taquine qu’ils ont fait sous la restauration ou corrompes par les temps de l’empire, dont la gloire retentissante et les éclatantes parades avaient tué la simplicité bourgeoise et l’amour de la liberté. D’ailleurs cette période héroïque de l’empire a coûté la vie à un bien grand nombre qui seraient hommes faits aujourd’hui, de sorte que parmi ces derniers il n’y a que peu d’exemplaires complets de plusieurs années.

Au reste, jeunes et vieux, dans la salle des Amis du Peuple, conservaient un digne sérieux, comme on le trouve toujours chez des hommes qui se sentent forts. Seulement leurs yeux étincelaient, et souvent ils criaient : C’est vrai! c’est vrai! quand l’orateur articulait un fait. (59-61).

 

Letters from Paris. Volume II, trans. Charles Godfrey Leland. New York: United States Book Company, 1893, 393-394.

Retrospective Explanation, August 1854

When I, in the preceding article, wrote perhaps too much with the indifference of a mere observer, but with a conscience and quite free from hypocritical show, complaining as to the Guizotic corruption, it really never occurred to me that I myself, five years later, would be accused as one sharing in the corruption! The time was well chosen, and the calumny had full room to play in the Storm and Pressure period of 1848, when all political passions, suddenly unbridled, began their raging St. Vitus’s dance. There swept over all and everywhere a wild delusion, such as could have been found only among witches on the Blocksberg or in Jacobinism in its wildest days of terror. There were again countless clubs where the vilest slander was spit without reproach from dirtiest lips – the walls of every building were defiled with coarse libels, denunciations, exhortations to revolt, invectives in verse and prose – a smeary, nasty, scribbly fire-and-murder literature. Even Blanqui, who was incarnate terrorism, and the honestest [sic] [bravste] fellow under the sun, was in those days accused of the vilest spy-work and of associating with the police. No honest person attempted to defend himself. He who had a fine cloak hid his face in it.