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Adresse au gouvernement provisoire (20 Avril 1848)

Des régiments s’avancent sur Paris.1 Leur approche répand l’alarme dans les rangs des patriotes.

L’armée n’a pas été réorganisée. Ses cadres, pré­parés par une tyrannie ombrageuse dans des vues meurtrières, sont aujourd’hui ce qu’ils étaient avant les barricades.

Dans Paris même, les royalistes de la veille, grimés en républicains du lendemain, ne dissimulent ni leur haine, ni leurs projets de réaction contre ce qu’ils nomment la populace.

Une coalition de ces sentiments et de ces égoïsmes pourrait coûter cher à la République.

Le peuple n’a que de l’affection pour les soldats sor­tis de ses rangs, mais sa défiance est profonde envers cette doctrine de l’obéissance passive qui a noyé si souvent Paris dans le sang français.

Pourquoi d’ailleurs des troupes soldées dans nos murs ? Si on le veut sincèrement, dans huit jours, trois cent mille gardes nationaux en armes [veille­ront] au service d’ordre et de sûreté de la capitale.

Les républicains de vieille date doivent au gouver­nement provisoire l’expression franche de leur pen­sée. Cette pensée est aujourd’hui bien amère.

Le choix déplorable des commissaires envoyés dans les départements ; le maintien de la magistrature et des fonctionnaires de Louis-Philippe ; l’écartement systématique des vieux patriotes, partout repoussés par les agents du pouvoir et livrés à la risée des roya­listes ralliés ; le désarmement successif des combat­tants des barricades ; l’appel à Paris des troupes soldées dont la place est aux frontières ; la menace de former une garde urbaine, résurrection sous un troisième nom de la gendarmerie et de la garde municipale ; la convocation précipitée des comices électoraux qui, sous des influences exclusivement réactionnaires, ne pourront créer qu’une Assemblée rétrograde : tous ces actes réunis semblent annoncer une réédition de 1830.

Déjà, la voix populaire a salué le gouvernement nouveau du nom de République monarchique. La République monarchique vaudrait-elle donc moins encore que la monarchie républicaine ?

Nous faisons une fois encore appel à votre patrio­tisme, à votre prudence, citoyens ! Arrêtez la réac­tion ! Retenez les troupes loin de la capitale et faites disparaître cette menace de représailles armées contre la victoire du peuple.

  1. Source: MF, 139-140.